Texte de Bastien Rousseau[1], photographies de Bastien Rousseau et d’Antoine Versluys.

Un beau soleil d’automne, des souvenirs de communauté d’été, un site majestueux et un peu méconnu, voilà le cocktail d’une journée CASA réussie. Le 25 septembre dernier, une trentaine de participants, masqués et vaccinés, se sont lancés à la découverte du château de Vincennes. Au programme de cette journée, visite guidée du château le matin, et rencontre l’après-midi avec monsieur Christophe Batard, l’architecte en chef des Monuments historiques en charge de l’entretien et de la restauration du monument.

Après nous être retrouvés au pied de la tour du Village et avoir sacrifié au désormais traditionnel contrôle des passes sanitaires, nous avons commencé la visite accompagnés d’un guide fort sympathique qui nous a fait découvrir le site, la Sainte-Chapelle et le donjon.

Le château de Vincennes, c’est une immense forteresse médiévale due à la volonté du roi Charles V qui en fit une de ses principales résidences. En effet, son enceinte, rythmée par neuf tours en référence à la légende des Neuf Preux[2], se développe sur plus d’un kilomètre. La majorité des tours ayant été arasées par Napoléon Ier pour en faire des plateformes de tir, on a aujourd’hui un peu de mal à se faire une idée de l’effet monumental de l’ensemble quand les visiteurs arrivaient de Paris.

Nous nous sommes ensuite avancés vers la Sainte-Chapelle, entreprise à partir de 1379 sur le modèle de celle de Paris, qui avait été construite par Saint Louis pour abriter les reliques de la Passion du Christ. C’est un véritable bijou gothique flamboyant qui a le rempart pour écrin. Sa construction s’est étalée dans le temps et elle n’a reçu sa décoration intérieure que sous le règne d’Henri II. De cette période, il reste de magnifiques vitraux Renaissance dans le chœur ainsi que des voûtes peintes sur lesquelles on distingue le monogramme d’Henri II et de Catherine de Médicis.

Après avoir admiré la finesse de l’architecture de la Sainte-Chapelle, nous nous sommes dirigés vers le donjon d’aspect massif ; le contraste est saisissant. Il s’agit là d’un des plus hauts donjons d’Europe (52 mètres) avec la tour de Crest dans la Drôme. Les intérieurs ont perdu leur décoration et on doit faire un effort pour imaginer l’aspect médiéval des pièces mais il reste notamment de rares placages de bois sur les voûtes de la salle du Conseil qui donnent une idée de l’aménagement d’une telle salle au XIVe siècle. Le donjon ayant surtout été une prison, de nombreuses traces ont été laissées par les anciens prisonniers, parmi elles des peintures murales d’Etienne Antoine Boulogne, évêque de Troyes emprisonné pour avoir pris le parti du pape Pie VII contre l’empereur Napoléon Ier.

Le donjon, imposant et massif.

Une rapide photo de groupe prise dans les tribunes de la Sainte-Chapelle et il est déjà temps de déjeuner. Ce sera un pique-nique sur les pelouses du parc floral avant de retourner au château pour une seconde visite en compagnie de monsieur Batard.

Avoir le point de vue de l’architecte qui travaille sur le monument est un privilège rare. Cela donne au lieu toute sa dimension vivante et actuelle et nous offre un regard tout à fait original. Après nous avoir raconté les différentes évolutions architecturales du site en lien avec ses différents usages au cours du temps, monsieur Batard nous a parlé des restaurations les plus récentes et notamment de celle du pavillon du Roi. Il nous a aussi décrit les interactions entre les différents acteurs administratifs qui participent à la restauration du château et qui s’apparentent à un jeu diplomatique subtil. Outre le Centre des Monuments Nationaux, le site reste aujourd’hui majoritairement occupé par le service des archives du ministère des Armées mais bien d’autres acteurs interviennent dans le chantier. Enfin, son exposé s’est achevé par une présentation du métier d’architecte en chef des Monuments historiques[3], ce qui a certainement contribué à faire naître quelques vocations !

La journée s’est magnifiquement terminée par la visite du chantier de restauration des douves. Accompagnés de monsieur Batard, d’un tailleur de pierre et d’un échafaudeur, nous sommes descendus le long de la contrescarpe[4] où des explications nous ont été données sur les travaux en cours.

Monsieur Batard nous a présenté les choix faits de remplacer telle ou telle pierre et de conserver telle autre afin de renforcer le mur sans lui faire perdre son authenticité. Ensuite, le tailleur de pierre nous a montré les différentes étapes du remplacement des pierres et les techniques de taille utilisées pour leur donner un aspect ancien et éviter une disparité trop forte avec les pierres non remplacées. Nous avons admiré la qualité du travail et la passion de cet artisan qui s’inscrit dans une longue chaîne de transmission de son savoir-faire. Un moment hors du temps, à l’étroit sur la frêle structure d’acier, nous avons eu l’impression de flotter le long du mur. C’est sur ce voyage un peu magique que s’est conclue cette très belle journée.


[1] Chargé d’études à la direction des affaires financières du ministère des Armées, Bastien a été guide CASA pour la première fois cet été à Saint-Sernin de Toulouse.

[2] Liste de neuf héros : bibliques (Josué, le roi David et Judas Maccabée), païens (Hector, Alexandre le Grand, Jules César) et chrétiens (le roi Arthur, Charlemagne, Godefroi de Bouillon), incarnations de l’idéal chevaleresque au Moyen Âge.

[3] L’architecte en chef des Monuments historiques est architecte maître d‘œuvre de l’État pour la restauration des Monuments historiques dont l’État est propriétaire.

[4] Talus extérieur du fossé d’un ouvrage fortifié.

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