Texte de Jacques Collignon.

Photographie des Alpes : https://fr.wikipedia.org/wiki/Alpes#/media/Fichier:Alpen_01.JPG

1 – Préambule

Pour construire mes visites de la cathédrale Notre-Dame de Paris, j’ai pensé au conseil donné par Gilbert Keith Chesterton :

« Si tu veux apprendre le latin à John, il faut deux choses :

Premièrement connaitre le latin.

Deuxièmement, connaître John ».   

J’ai donc étudié la Cathédrale au mieux.

Puis je me suis demandé comment toucher les visiteurs, le plus souvent inconnus, pour leur parler de Jésus-Christ. J’ai pensé qu’il suffisait de parler au cœur des personnes de ce qui est universel…

Je pense que deux choses sont universelles : L’Amour et la Beauté.

J’ai utilisé la beauté pour toucher les visiteurs, parce que la beauté est oubliée et peu décrite, et conduit à l’Amour.

J’utilisais des phrases courtes, comme des aphorismes, que le visiteur pouvait facilement retenir. Ci-dessous, j’ai rassemblé ces aphorismes.

La beauté est ce moyen universel qui peut toucher chaque visiteur, sans prosélytisme.

Partons à la rencontre de la beauté puis nous découvrirons la Beauté de la Rencontre.

2 – Qu’est-ce que la beauté ?

Qu’est-ce que la beauté, comment en parler aux visiteurs à Notre-Dame de Paris ?

« La beauté est ce qui fait qu’on s’assied pour se demander le pourquoi des choses. »

Ceci est à l’origine de ma réflexion sur ce sentiment de beauté que nous percevons et qu’il est difficile de décrire. La beauté vous bouscule et questionne.

Nous ressentons des sensations (par les sens), des émotions qui mettent en mouvement (notre psychisme) puis des sentiments et cela nourrit le cœur.

Il faut maitriser les émotions, les sortir de l’immédiateté et s’ouvrir à ce que l’on ressent pour prendre de la hauteur et en extraire le sens.

La beauté est un sentiment c’est à dire un état de l’affect ou du psychisme parfois durable et que la raison arrive à expliciter. Il faut passer de la joliesse à la beauté et étudier la beauté qui révèle une signification, une direction de l’existence.

Il y a un bouleversement de l’être qui s’aperçoit que le monde signifie plus que les attentes quotidiennes à courte vues humaines.

On est souvent étonné, puis émerveillé, puis on perçoit de l’admiration.

De l’étonnement à l’émerveillement.

L’expérience de la beauté est un chemin spirituel. Elle révèle quelque chose de notre humanité.

La beauté est rencontre du temps présent, parfois simplement un « arrêt sur image », « un présent d’éternité », qui permet d’accueillir comme une nourriture ce qui vient de bien plus loin, comme d’une autre dimension.

Une fois, au cours d’une promenade dans les Alpes, j’avais une vue sur la chaîne du Mont Blanc et les Aiguilles superbement éclairées et lumineuses. La beauté fait qu’on s’arrête…

Quand on se remet en route, on a le sentiment d’être meilleur et de vouloir grandir en humanité.

Cette transcendance semble si proche ! Cette Puissance immobile nous déplace par sa beauté.

La beauté apaise. Elle rime avec sérénité.

La beauté est ce qui transforme, transcende. La beauté permet la rencontre entre des éléments non compatibles. Elle abolit le temps et nous permet de retrouver l’Invisible au-delà des choses. La beauté se charge de mystère, elle se charge de l’âme des hommes. La beauté de la cathédrale se charge des rencontres de ceux qui y ont prié.

La beauté permet d’élever le regard avec un cœur qui s’épanouit.

La beauté se partage, comme une nourriture au cours d’un repas. Elle inspire une volonté de communion. La beauté est relation et questionne à partir du réel, vers plus d’humanité.

La beauté est charnelle. C’est dans un corps que Jésus est venu dans la Création. L’importance du corps maitrisé et de la puissance des sentiments permet de faire grandir notre intériorité.

L’intériorité est un lieu d’échange. Cette beauté ouvre à une quête de sens et donne des couleurs à la vie. C’est au-delà des sens que le sens prend naissance, mais toujours dans le réel.

Cependant la beauté est fragile et éphémère. La beauté qui ne fane pas est souvent cachée.

Notre vie se déroule jour après jour, nous écrivons notre histoire page après page et la beauté est l’enluminure de notre quotidien. Un jour, j’ai vu un immigré donner une pièce à un mendiant, certainement plus riche que lui. Beau geste qui révèle une fraternité dans notre humanité fragile. Un peu plus tard dans la journée, un « sans domicile fixe » sonnait à ma porte…Dieu a de l’humour !  La beauté nous prépare à une communion avec le mystère de l’Amour.

L’astronomie permet d’observer les étoiles et tout un Cosmos que nous ne pouvons atteindre. Nous observons et le plus étonnant, c’est qu’il y a des lois disait Einstein.

Les galaxies s’entrechoquent mais recréent un système où les lois génèrent une nouvelle galaxie.

Ces lois imposent un ordre qui semble refuser le Néant. La beauté de ce spectacle emplit notre esprit de la certitude qu’un Être caché se révèle petit à petit.

L’Univers nous est donné pour être en lien avec ce Mystère qui nous enveloppe.

La beauté fait autorité. Et l’autorité est ce qui fait grandir dans l’ordre de l’humanité.

Donc la beauté fait exister.

Et la beauté fait naitre l’homme à une divinité révélée, malgré la finitude de l’homme.

Mais la petitesse de l’homme n’est pas abandon par Dieu.

On dit que Dieu est caché, mais il n’est pas absent.

La beauté est mystérieusement présence de Dieu qui passe incognito, sur la pointe des pieds, comme pour mieux nous respecter !

La beauté suppose en nous une sérénité et un ordre accepté, mais un ordre où chaque élément est à sa place, sans plus, sans prise de pouvoir. La beauté dit en nous l’être que nous sommes.

De l’émerveillement à l’admiration.

La beauté fait parler Dieu au cœur de l’humain. Comment Dieu parle-t-il ?

Je suis Français, je parle français. Vous me comprenez !

Dieu est Amour ! Il parle Amour au cœur de chacun des hommes. Il suffit de l’écouter (et non plus simplement de l’entendre) et ainsi d’ouvrir son cœur. Et si Dieu parle, il demande une réponse, un dialogue. C’est la Vérité d’une Rencontre…

La beauté dilate notre intériorité et augmente notre capacité d’échange pour mieux vivre cette Rencontre. La beauté est dans le regard (ou l’écoute), quand le cœur est plein d’amour. Cela suppose une unité de l’être qui va être recherchée. Elle accompagne une dynamique de l’intériorité qui est un travail sur soi. La beauté ne se déploie pas dans des eaux dormantes.

La beauté est un révélateur d’humanité qui laisse place à plus grand que soi…

La beauté élève l’esprit.

La beauté est un fil d’Ariane dans le labyrinthe de la vie et nous conduit au Christ. Le Christ est souvent admiré dans son humanité. Et notre quête de la beauté nous conduit à rechercher dans notre vie la Vérité que Lui seul a signifiée dans son humanité.

C’est un chemin d’admiration. L’Amour nait de l’admiration disait Maurice Zundel.

La beauté est Vérité. On dit « Le Beau Dieu » en la cathédrale d’Amiens, en parlant du Christ.

La complexité d’une fleur, le mimétisme des insectes, la coopération des animaux pour survivre, les insectes sociaux ou « l’intelligence des arbres » sont des signes d’une Création où les êtres sont dans un équilibre respectueux de tous. L’émerveillement touche l’homme qui va chercher une signification et un ordre supérieur.

Les scientifiques font des découvertes qui les surprennent :

« C’est si beau que ça doit être vrai » dit James Watson en découvrant la structure hélicoïdale de l’ADN, découverte avec Francis Crick et l’aide de Rosalind Franklin.

L’émerveillement est la récompense du chercheur.

« Une rose est sans pourquoi ! » dit Angélus Silésius.

Une rose transforme  » l’air du temps  » en beauté. Notre beauté est de transformer le monde par Amour. La fécondité d’une rose est la beauté d’une autre rose. Il n’y a pas de crise de la transmission dans la Création. Et si notre fécondité était la Beauté de l’Amour de Dieu donné autour de nous dans nos rencontres…

L’écrivain Ramuz nous a donné un texte qui est la Préface du Livret de famille Vaudois.

Ce texte est connu pour refléter les qualités humaines d’un couple âgé !

Ce texte est jugé suranné, mais beau car vrai…

Les qualités humaines de persévérance et de fidélité sont révélées et l’admiration suscite comme un lien avec une autre Vie dont la réalité ne peut être décrite. Dans le visible même, l’Invisible transparaît. Cette réalité nous échappe mais nous marque comme un sceau originel.

Si je fais l’expérience de la beauté, je la fais comme une Parole, comme une Présence dans le réel. Elle est DON. La beauté est expérience du don au plus profond de nous, parfois fugace et évanescente. Avec la beauté nous entrons dans l’école du don.

Et cette expérience de la beauté est incommunicable, mais il faut la décrire et le dire.

« Il ne sert à rien d’éprouver les plus beaux sentiments si l’on ne parvient pas à les communiquer » (Stefan Zweig). La beauté est comme des petits cailloux blancs sur un chemin de lumière. Cela guidera les suivants si on les prévient ! Le christianisme vit à ce moment-là.

Je compare la beauté à la Parole de Dieu :

La Parole de Dieu est agissante.

« Elle est vivante, la parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; elle va jusqu’au point de partage de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles ; elle juge des intentions et des pensées du cœur. Pas une créature n’échappe à ses yeux, tout est nu devant elle, soumis à son regard ; nous aurons à lui rendre des comptes. »           Hébreux, 4. 12-13.

La Beauté nous touche au plus profond de l’être, comme une Parole de Dieu adaptée à notre quotidien. La beauté nous touche « jusqu’au point de partage de l’âme et de l’esprit ».

La Beauté agit en nous et nous révèle le sens et la direction de notre EXISTENCE.

Exister ou ne pas exister, voilà la question que la vie nous pose : C’est notre liberté de choisir !  La beauté conduit à l’accomplissement de l’existence, vécue dans la chair, dans la vie simple comme dans l’exploit.

Cette beauté est peut-être une nostalgie, un souvenir d’une rencontre initiale que nous portons en nous. Et pourtant il y a un champ de notre expérience où Dieu se laisse entrevoir au-delà des expériences sensibles ou intellectuelles. Cette surnature indéchiffrable laisse suinter des marques qui nous guideront. Nous percevons une Présence…

Il y a …            Il y est…

Saint Augustin a vécu cette quête intérieure :

« Tard je T’ai aimée, Beauté ancienne et si nouvelle ; tard je T’ai aimée. Tu étais au-dedans de moi et moi j’étais dehors, et c’est là que je T’ai cherché. Ma laideur occultait tout ce que Tu as fait de beau. Tu étais avec moi et je n’étais pas avec Toi. Ce qui me tenait loin de Toi, ce sont les créatures, qui n’existent qu’en Toi. Tu m’as appelé, Tu as crié, et Tu as vaincu ma surdité. Tu as montré ta Lumière et ta Clarté a chassé ma cécité. Tu as répandu ton Parfum, je T’ai humé, et je soupire après Toi. Je T’ai goûté, j’ai faim et soif de Toi. Tu m’as touché, et je brûle du désir de ta Paix. Amen ! » …           Saint Augustin d’Hippone – Les Confessions 10, 27

Pour Platon (Le Banquet), la beauté est en lien avec le monde des idées et la beauté idéale. Dans le christianisme, la beauté est en lien avec Dieu qui est une Personne…

Si on n’a pas fait cette expérience de la beauté en nous, on risque de laisser la mort spirituelle grandir en nous.

3 – L’importance de la beauté pour les futures visites.

On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas tout d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure.     

(G. Bernanos dans La France contre les robots).

Je suis persuadé que les visiteurs vont venir admirer la cathédrale en nombre.

Mais peut-être est-il possible de leur proposer un chemin de réflexion sur leurs propres sentiments. Le cœur reçoit des sentiments parfois confus.

Blaise Pascal nous a dit : « Le cœur a ses raisons que la raison ignore ». Le cœur est l’intimité de notre être, le siège de notre liberté et de notre sensibilisé, c’est à dire de l’intelligence et de notre volonté. C’est là que nous allons proposer aux visiteurs une réponse, peut-être aussi une Rencontre dans l’intimité de ce qui nous dépasse…L’intériorité est un espace de Rencontre.

Les bâtisseurs de cathédrales du Moyen Age ont étonné le monde par la beauté des cathédrales et les défis des innovations. Cela est admiré aujourd’hui encore.

La gratuité était très présente dans le cœur cette société.

Cette valeur universelle participe à la beauté de la cathédrale d’aujourd’hui.

La beauté nous relie directement à la Vérité et dans le réel de notre existence.

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