Texte de Bruno Foucaut

Elle est de l’ordre d’une trouvaille.

Fortuite elle met deux êtres, deux entités en contact. Elle transformera à son issue l’un des deux, ou les deux. A défaut, elle n’aura été qu’une convenance, une conversation, un moment d’échanges ou de politesse, une parenthèse de bienséance ou d’empathie.

Elle peut, selon Breton, s’avérer ne révéler qu’une partie inconnue de l’une des parties, elle aura ainsi servi à être le révélateur, cette partie inconnue de moi même que je méconnaissais. 

Si nous faisons un détour par l’étymologie, nous pouvons être surpris de découvrir que là où le français dispose du seul verbe « rencontrer », le grec ancien en a deux : apantáo rencontrer, et tugkáno, rencontrer par hasard. Ce verbe est de la même racine que tuchè, la rencontre due au hasard, involontaire, inattendue.

Nous aurons donc à vivre plusieurs types de rencontres : celle improvisée ou spontanée n’aura pas le même caractère que celle forgée sur notre curiosité intellectuelle ou celle construite sur plusieurs échanges verbaux ou épistolaires.

La rencontre peut être également un défi lancé au hasard ou au destin. 

Alors c’est donc dans un premier temps une rencontre avec nous-mêmes. Qui voulons nous rencontrer ? Qu’est-ce que nous voulons et qu’est-ce que nous ne voulons pas ?

Dans tous les écrits philosophiques et très complets que le maître de la psychanalyse a produits, Freud insiste sur la contrainte de répétition comme expérience de rencontre.

Il faudra donc en conclure que toute timidité de premier abord, tout échec vis-à-vis d’une situation de hasard qui resterait chaotique fait partie du jeu de la rencontre.

Si l’on veut pousser les réflexions du psychanalyste, il faudrait dans le principe de rencontre accepter que par définition même, une rencontre puisse ne pas être conforme à nos attentes. 

Une rencontre première est imparfaite ou inassouvie. Elle laissera le sentiment d’un moment furtif, laissé inachevé, presque gâché.

Si la rencontre première se répète, il  se substitue un travail psychique, travail de deuil (Trauerarbeit) qui permettra de dépasser ce sentiment de frustration. Les attentes que l’on aurait surévaluées dans le projet initial de rencontre seront alors, peut être satisfaites, et cela de façon positive.

Pour revenir à la question initiale posée par les enjeux de la rencontre, on pourrait avancer que si la contrainte de répétition tend effectivement à faire de la rencontre une retrouvaille, dans toute rencontre néanmoins peut surgir une trouvaille, de par l’intervention et le jeu du hasard.

C’est cette pépite-là qui rendra uniques, fortes et passionnantes les rencontres que CASA nous donnera occasion de vivre cet été.

Cultiver ces trouvailles, à défaut de vivre des retrouvailles ou des rencontres. A moins que l’on ait cultivé en nous un moyen de s’y retrouver une nouvelle fois, pour un nouvel été, une nouvelle expérience.

Chaque moment de vie, nouveau, est à mon sens une trouvaille.

Inspiré d’une lecture :

La rencontre : trouvaille ou retrouvaille ?

Jacques Sédat

Dans Adolescence, 2008                                        Pour CASA , le 17/05/2023

Illustrations : L’Annonciation, Fra Angelico, années 1430.

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:ANGELICO,Fra_Annunciation,_1437-46(2236990916) https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Annunciation_by_Fra_Angelico_(Prado)

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