Texte d’Odile Pinard, photographies de Claire-Elizabeth Mantel.

Samedi 2 avril, 10h30 : Alain Marsaud nous attend devant l’entrée du Collège des Bernardins qui ouvre ses portes à l’avance, spécialement pour les CASA. Bref temps de retrouvailles très chaleureux : il y a si longtemps que certains ne se sont pas vus « en vrai » ! Nous sommes une bonne vingtaine à partager ce bonheur d’être réunis.

Le groupe écoute madame Le Corre.

Mais voici déjà, vive et souriante, Mme Fanny Le Corre, chargée de programmation pour le pôle « Art et Culture » du Collège. Béatrice a juste eu le temps d’avancer une chaise pour Jean que déjà nous sommes plongés dans la vie du Collège des Bernardins, avec toutes les activités qui y sont programmées. Madame Le Corre a un enthousiasme communicatif et nous détaille sans perdre haleine les activités de ses trois pôles :

  • Le pôle formation, avec ses trois-cents séminaristes et ses soixante-dix étudiants en master, sans compter les quelques trois mille personnes qui suivent les cours publics.
  • Le pôle Art et Culture, qui organise expositions, concerts, conférences, projections de films, etc. Elle nous présente le Festival des Bernardins, Opus 3, et bien sûr l’exposition de ce jour qui, dans le cadre des Journées Européennes de l’Artisanat d’Art, est consacrée aux différents corps de métiers intervenant dans la restauration de Notre-Dame de Paris.
  • Le pôle recherche, qui permet le dialogue entre chercheurs de différentes disciplines et est à l’origine de colloques et de publications.

Après cette présentation exhaustive et foisonnante de toutes les offres culturelles du Collège aujourd’hui, Madame Le Corre évoque l’histoire de cette institution de son origine en 1248 par les cisterciens jusqu’à nos jours. Nous apprenons que c’est un moine anglais, Étienne de Lexington, abbé de Clairvaux, qui fonde le Collège pour servir de lieu d’étude aux moines cisterciens, chaque abbaye devant envoyer au moins un moine s’y former.

Or, comme l’espace parisien était déjà très urbanisé, les moines ne purent compter que sur une emprise au sol limitée et furent donc obligés de bâtir leur monastère en étages avec, au sous-sol, le cellier et toutes ses réserves, au rez-de-chaussée, la grande salle voûtée servant à la fois de salle de cours, de réfectoire, et l’on suppose aussi de salle du chapitre en fond de nef, et à l’étage un dortoir de cent à cent-dix places. La construction d’une grande église, dont seule subsiste la sacristie, sera entreprise au XIVe siècle mais, jamais terminée, elle sera détruite lors du percement du boulevard Saint-Germain en 1859.

L’activité du collège décline dès le XVIe siècle, avec l’expansion de la Réforme. Les moines seront chassés à la Révolution. Au XIXe siècle il connaît différents usages avant d’être affecté aux Pompiers de Paris comme caserne jusqu’en 1995. C’est en 2001 que le diocèse de Paris rachète les bâtiments à la Ville et que les travaux de rénovations commencent, à l’initiative du cardinal Lustiger, qui compte bien faire de ce lieu son pôle d’excellence dans les différents domaines : théologique, intellectuel et culturel. L’inauguration se fera en 2008 et c’est le pape Benoît XVI qui y prononcera le premier discours.

Vous voudrez bien excuser ce bref résumé, qui ne reflète qu’une toute petite partie de ce qui nous a été dit, et bien sûr une infime partie des activités du Collège, mais j’avais beau essayer de griffonner le plus rapidement possible, je n’ai pas pu suivre le rythme… Alors, si malgré tout je vous ai donné envie de tout voir et de tout savoir, faites comme moi, rendez-vous sur le site internet du Collège et surtout n’hésitez pas à participer au maximum aux activités proposées.

Mais venons-en à l’exposition gratuite organisée par et pour les artisans restaurateurs à Notre-Dame de Paris, événement bénéficiant du mécénat de la Fondation Bettencourt Schueller, qui ouvrait à 11h dans les caves de l’ancien cellier. 11h, et déjà les Parisiens étaient très nombreux au rendez-vous : nous nous sommes donc séparés pour visiter les différents ateliers en nous faufilant entre les autres visiteurs.

Tout d’abord, un petit film récapitulatif sur l’incendie et les premiers travaux. Puis chacun essaie de trouver une petite place pour voir et interroger les artisans des différents métiers :

  • Maçon-tailleur de pierre
  • Restaurateur de sculptures 
  • Restaurateur de décors peints 
  • Restaurateur de peintures de chevalet 
  • Facteur d’orgues 
  • Maîtres verriers

Personnellement j’ai beaucoup apprécié les explications du tailleur de pierre, tout son savoir en ce qui concerne la géologie et la stéréotomie (taille et coupe de la pierre), ses explications sur la résistance des différentes pierres et particulièrement la différence entre la résistance très faible à la traction, d’où la nécessité d’une grande maîtrise pour extraire un bloc de pierre de la carrière sans le fracturer, et sa grande résistance à la compression, ce qui explique la possibilité d’empiler des pierres sur de grandes hauteurs. Nous avons aussi pu voir les outils utilisés pour les différentes étapes de taille de la pierre, ainsi que des épures réalisées selon l’art du trait, que seuls ceux qui ont reçu la formation adéquate sont capables de lire.

Un tailleur de pierre à l’œuvre
Les outils des tailleurs de pierre

Les restaurateurs de peinture de chevalet expliquaient les techniques utilisées (entre autres, lumière infra-rouge) pour analyser la peinture avant restauration, ce qui permet de découvrir le dessin initial quand il existe, mais aussi les repeints au cours des différentes restaurations. Il leur faut ensuite analyser les différents produits utilisés comme peinture, et si à l’heure actuelle ils n’utilisent pas toujours les mêmes oxydes naturels qu’à l’origine, ils recherchent les produits qui s’en approchent le plus. Avec le décorateur de décors peints, nous apprenons comment détacher la peinture de son support tout en la préservant.

En passant chez la restauratrice de sculpture sur bronze, nous voici initiés à la technique de la patine.

La restauratrice de patine, montrant plusieurs exemples de patines

Le restaurateur de statue en bronze nous explique comment les statues des apôtres ont été conçues. Pour les douze apôtres seuls quatre modèles différents ont été retenus, on retrouve donc à chaque fois trois apôtres dans les mêmes attitudes. Les statues sont fabriquées autour d’une armature en fer, à laquelle sont fixées les feuilles de cuivre. Celles-ci sont ensuite recouvertes d’une patine.

Pour façonner la feuille de cuivre, une matrice en fonte est d’abord réalisée à partir de moulages en plâtre. La feuille de cuivre est alors posée sur la matrice et martelée avec différents outils. Ceux-ci sont fabriqués en buis, les parties métalliques des outils sont polies, afin qu’il n’y ait pas d’échange de matières avec la feuille de cuivre.

Les outils du restaurateur de sculpture
Schéma montrant comment sont conçues les statues des apôtres de Notre-Dame
Matrice en fonte
Le restaurateur montrant comment donner une forme convexe à une feuille de cuivre
Le restaurateur montrant comment il travaille le cuivre pour lui donner la forme d’un visage, sur une matrice en fonte

Chez le facteur d’orgue, je découvre que les différents tuyaux ne sont pas tous fait du même alliage, et que tout dépend de la note et de la sonorité que l’on veut obtenir, et moi qui croyais qu’ils n’étaient faits que de plomb… mais il y a aussi l’utilisation d’étain, et puis les notes les plus graves passent par des tuyaux en bois.

Quant au maître verrier, il devait être si passionnant que c’était la cohue générale ! Dommage, je n’ai rien appris de nouveau.

Panneau de présentation sur la réalisation d’un vitrail
Réseau de plomb d’un vitrail
À gauche exemples de verres et à droite verres dessertis pour la restauration
Plaque de verre peinte
Verres d’un vitrail dessertis pour restauration
Vitrail du XIXe siècle

Mais je n’ai pu vous donner que quelques pépites : heureusement, il paraît que l’on pourra revoir les différents éléments de cette exposition sur le site de l’établissement public (https://notre-dame-de-paris.culture.gouv.fr/fr ) chargé de la restauration de Notre-Dame. Malheureusement, au jour où j’écris il n’y a toujours rien.

Un beau succès pour une exposition qui malheureusement n’a duré que le temps d’une journée, mais nous aurons encore des occasions de nous rendre aux Bernardins, et pourquoi pas pour voir ensemble l’exposition en réalité augmentée[1] qui a lieu jusqu’à la mi-juillet ?


[1] Notre-Dame de Paris, l’Exposition Augmentée est une exposition qui revient à la fois sur l’histoire de la cathédrale et sur le chantier actuel de la restauration. Conçue par la start-up française Histovery, et grâce au soutien du Groupe L’Oréal, l’exposition est proposée en collaboration avec l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale.

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